Il est le rigoureux critique gastronomique du Figaro, mais également auteur de nombreux ouvrages sur la question, intervenant au titre d’expert lifestyle et luxe auprès de plusieurs chaînes de télévision, co-fondateur d’Achab Conseil-Food & Beverage Ideas, bureau de consulting et stratégie de communication : Emmanuel Rubin livre ici sa sélection pointue des dix ouvrages de l’automne-hiver 2020-2021. A ne pas manquer.

Ces dix livres qui valent vraiment le goût !
Par Emmanuel Rubin
On va déguster l’Italie, Francois-Régis Gaudry
Celui que certains aiment à qualifier d’homme pressé du journalisme gastronomique offre, ici, un délicieux démenti avec cette impressionnante somme dédiée au goût de l’Italie. Quatre ans de travail, des centaines de collaborateurs, une foison d’articles, de planches, de recettes, une belle densité d’illustrations et, au final, dans un mélange de pop et de pertinence, un formidable plaidoyer pour une Botte gourmande, claquant de tous ses talents.
Editions France-Inter Marabout.
Chemins croisés, Eric Guérin
Lorsqu’ils se piquent de vouloir raconter leur restaurant, la plupart des chefs versent dans l’ennui de carte postale. Tout l’inverse du côté du très funambulesque Eric Guérin qui partage, de mots en images, de recettes en personnages, sa Mare aux Oiseaux de Saint-Joachim. Une réussite éditoriale qui doit beaucoup à la poésie avec laquelle l’homme a composé, année après année, cette manière de phalanstère d’entre mystère et Brière.
Editions Ulmer.

Le grand livre de la naturalité, Alain Ducasse, Romain Meder, Jessica Préalpato
Avec cette superbe un peu trop rigide quand elle en impose et dans cette façon de faire sens au risque de faire masse, Ducasse (associé au chef et à la pâtissière de son restaurant du Plaza) n’en dépose, pas moins, le grand œuvre de sa naturalité, vision pratique et dialectique d’une haute cuisine appréhendée dans le souci de l’environnement, de la santé et de l’engagement responsable. Avouons une somme !
Editions Alain Ducasse.

Légumes, Régis Marcon
Puisque le potager sort, ces dernières saisons, du purgatoire dans lequel la paresse culinaire l’avait trop longtemps contraint, suivre les saisons et les façons du triple étoilé Régis Marcon (de l’Auberge des cimes à Saint-Bonnet-Le-Froid) à travers 70 légumes et racines appréhendés avec autant d’appétit que de pédagogie et d’à-propos.
Editions de La Martinière.

L’esprit Chapel, Laurent Feneau, Suzanne Chapel
Dans son auberge de Mionnay, dans l’Ain, il fut un chef total, exigeant, respecté, d’une puissance de travail qui n’avait d’égale que sa force créative. Disparu précocement, Alain Chapel profita d’un certain âge d’or des années 1970-80 pour bousculer la geste culinaire, offrir une réelle vision de son métier et partager cette idée que “la cuisine, c’est beaucoup plus que des recettes”. Ce texte court, riche de documents inédits, trouve un singulier écho contemporain en racontant celui qui fut, peut-être, le premier des chefs auteurs.
Editions de l’Epure.

Falastin, Sami Tamimi, Tara Wigley
Quelques années après la sensation Jerusalem signé du duo Ottolenghi-Tamimi, le second poursuit aujourd’hui le voyage en Palestine. Sans réduire la portée des plats ici dévoilés, c’est d’abord cette approche ethno-culinaire qui l’emporte, soucieuse des rencontres, des paysages, des gestes et des mémoires d’une terre émouvante à se révéler dans l’inattendu des sens.
Editions Hachette Pratique.

Le chef, l’Auberge et le lac, Jean Sulpice
Chef précieux d’une Savoie matricielle qu’il composait, au premier temps de la carrière, du côté des cimes, Sulpice la prolonge désormais dans l’intime du lac d’Annecy, de la vallée et de cette patrimoniale Auberge du Père Bise. Une belle identité culinaire et des accents braudéliens pour une monographie du plaisir et du réenchantement.
Editions Glénat.

Sentir, Ryoko Sekiguchi
Avec cette écriture d’évidence et ce regard patient porté sur le continent du goût, l’auteur nippone Ryoko Sekiguchi s’aventure en terre liquide l’espace et l’instant d’une conversation avec le chef de caves champenois de la Maison Perrier-Jouët, Hervé Deschamps, et le grand chef Pierre Gagnaire. Il y a de la réflexion du promeneur (pas complètement) solitaire dans ce court opus où l’écoute et l’observation offrent matière à nourrir notre rapport au sensible.
JBE Books.

Au château du Clos de Vougeot, Stéphane Ory, Emmanuelle Jary, Matthieu Cellard
Célèbre, célébré, le vignoble bourguignon brille pourtant par sa discrétion quand il s’agit de révéler les lieux de la légende. De là, ne pas mégoter le privilège de pénétrer, avec la verve qui convenait à l’affaire, son éminence le château du Clos de Vougeot, épopée de vignes et de belles pierres, d’une vitalité non feinte aux heures notamment de sa mythique confrérie des Chevaliers du Tastevin.
Editions Glénat.

Construire un monde au goût meilleur, Nadia Sammut
Enfant de la casserole, à la tête de la fameuse Fenière, dans le Luberon, la jeune cheffe Nadia Sammut incarne cette discrétion qui n’interdit pas les convictions. Cœliaque, intolérante à de nombreux aliments, son parcours délicat comme sa passion de la chose culinaire sont à l’origine d’une pensée sur les nourritures et la culinarité dans leur rapport à la planète, au corps et au vivant. Elle offre, ici, un manifeste touchant, d’une étonnante maturité, évitant le plus souvent les naïvetés pour leur préférer une sincère programmatique.
Editions Actes Sud.

Les livres au fil des pages.